« La Roseraie » a été achevée en 1866 à Sains-en-Amiénois par Bénoni-Joseph Vagniez-Fiquet (1800-1873), marchand de rouenneries et étoffes en gros à Amiens. A l’époque, M. Vagniez réalise un placement financier : La Roseraie est une gendarmerie concédée à l’état français. Elle le restera jusqu’en 1886 lorsque, par décret, le peloton de gendarmes à cheval est transféré à Saint-Sauflieu. Vers 1890, La Roseraie est transformée en château par son fils cadet Bénoni-Clovis Vagniez-Renon avec la création d’une tour et d’un observatoire similaire à celui de son hôtel particulier de la rue Lemerchier (actuel tribunal administratif d’Amiens), ainsi que la réalisation d’un salon en rotonde de style art-nouveau, probablement dessiné par architecte amiénois Emile Riquier.
Sa fille aînée Jeanne Vagniez hérite de la maison vers 1900 et s’y installe en 1903. Elle réalise l’aménagement du parc de style de la Belle Epoque avec un ensemble unique de rocailles comprenant un grand bassin prolongé par une serpentine qui démarre dans une grotte artificielle. Un autre ensemble composé de cascades et de jets d’eau, d’une seconde serpentine sont créés au fond du parc. Un labyrinthe de buis est aussi réalisé autour d’une gloriette (toujours présente) ainsi que deux ponts et trois bancs disséminés dans le parc, lequel à cette époque couvre plus de 5 hectares. Des serres produisent des roses pour les diverses propriétés Vagniez à Amiens d’où le nom de “La Roseraie”.
Vue sur le Parc vers 1903
Les serres, détruites lors de l’offensive allemande de 1940 n’existent plus.
Réalisation des Rocailles vers 1903 Jeanne est une artiste peintre douée qui réalise de nombreuses créations, principalement des natures mortes et des scènes de chasse. Elle a peint ce paravent exposé au salon de l’Hôtel Bouctot-Vagniez. D’ailleurs, Jeanne est la soeur ainée de Marie-Louise Vagniez-Renon (1884-1944), qui a épousé André Bouctot (1882-1972), rentier rouennais, le 11 juillet 1906. André Bouctot construit une luxueuse résidence principale à Amiens, avec l’architecte Louis Duthoit, située 36 rue des Otages : l’Hôtel Bouctot-Vagniez. Les aménagement du jardin sont directement inspirés des Rocailles de la Roseraie et il est probable que ce soient les mêmes artisans qui aient oeuvré car les deux soeurs étaient très proches. Pendant la première guerre mondiale, peu après son mariage, Marie-Louise est engagée comme infirmière bénévole à la Croix-Rouge, et elle est décorée de la légion d’honneur (JO du 31/10/1920) pour son courage et son dévouement aux malades. Elle participera à de nombreuses actions caritatives après la guerre de 14-18, et sera honorée de la palme Vermeil de la Croix Rouge en 1941.
En 1930, après le décès de Jeanne, Marie-Louise rachète la Roseraie et les époux s’y installent en 1936. L’Hôtel Bouctot-Vagniez d’Amiens devient un musée d’histoire naturelle, et aujourd’hui, abrite la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie de Picardie. Marie-Louise Vagniez est une femme pieuse et généreuse qui soutient des œuvres de bienfaisance. Elle accueille de nombreux enfants dans le parc de la Roseraie, avec le regret de n’avoir jamais pu enfanter. Elle éprouve aussi une passion des chiens Epagneuls Papillons – dits « Xivette des Bégonias ». Présidente d’une association qu’elle a créée, elle organise des concours canins au niveau national. En 1940, La Roseraie héberge le P.C. du commandant Junin (cf. plaque sur la maison) pendant 3 jours. L’observatoire permet à un officier de piloter 5 batteries d’artillerie qui mettront hors combat une vingtaine de chars allemands, avant le repli général des troupes françaises. Les Allemands occuperont la maison à partir de 1942, jusqu’à la libération. Ce sont eux qui ont démonté l’observatoire…
A la mort de Marie-Louise Vagniez, en 1944, André Bouctot – écrasé de chagrin – se retire à la Roseraie et laisse la propriété à l’abandon. Il se referme sur lui-même et devient un « original », avec de longs cheveux blancs et une grande barbe. On le voit errer dans les bois avec ses chiens. Il vit dans la cuisine et dans une pièce. Le charbon est entreposé près de l’escalier. Il pleut dans le grand salon sur les meubles anciens…
En 1955, c’est la fermeture pour dépôt de bilan des établissements Vagniez, à Amiens, sur fonds de crise économique du textile. Spécialiste des vêtements de travail en toile Denim, l’affaire sera reprise par un industriel qui déposera également le bilan, un peu plus tard, puis l’affaire sera vendue à Lee Cooper. Ancien maire de Sains-en-Amiénois en 1944, Jean Vagniez – grand père de l’actuel propriétaire et neveu de Marie-Louise – mourra ruiné en 1957.
A noter, son fils Edouard Vagniez-Derville (1939-1982) sera également maire du village de Sains pendant de nombreuses années. Il a notamment réalisé les espaces de tennis découverts face au cimetière, qui portent son nom.
André Bouctot meurt, en 1972, sans héritiers directs. En 1973, La Roseraie est mise en vente par ses héritiers. Béatrice Lecomte-Vagniez (1936-1983) et son époux, Pierre Lecomte (1928-2008) se décident à achèter la Roseraie en 1975 malgré son très mauvais état. A partir de 1975, Pierre Lecomte entreprend la restauration de la maison et redonne vie au parc, qui était devenu une jungle impénétrable. Pierre et Béatrice souhaitent passer leurs vieux jours dans cette maison, malheureusement, Béatrice décède en 1983 après une longue maladie. Haut fonctionnaire à la Banque de France, Pierre Lecomte est nommé directeur régional à Amiens en 1984. Il prend sa retraite en 1991, après 44 années de carrière. Il est décoré chevalier de l’Ordre National du Mérite, et chevalier de l’Ordre du Mérite Agricole. Pendant sa retraite, il a été juge, puis président de chambre au Tribunal de Commerce d’Amiens. Pierre Lecomte a été également conseiller municipal à Sains-en-Amiénois pendant plusieurs années, et avait le grade de Lieutenant dans l’Artillerie. Jusqu’à fin 2007, Pierre Lecomte habite l’été à La Roseraie et l’hiver à Amiens, mais il se rend tous les jours à La Roseraie. Il est décédé le 14 mai 2008, à l’âge de 79 ans. Depuis 2009, La maison appartient à son fils cadet, François Lecomte-Vagniez. Il est un descendant direct de Benoni Vagniez-Fiquet, de la 6ème génération, pour ceux qui auront réussi à suivre la généalogie familiale…